Le mauvais goût du chocolat

Débouté de sa plainte contre le propriétaire de la marque Banania, le Mrap a décidé de faire appel. Bien décidé à attaquer le racisme... à la racine.
Débouté de sa plainte contre le propriétaire de la marque Banania, le Mrap a décidé de faire appel. Bien décidé à attaquer le racisme... à la racine.

Le Mouvement national contre le racisme (Mrap) et le collectif des Antillais, Réunionnais et Guyanais DOM ont été débouté de leur plainte contre la société Nutrimaine, propriétaire de la marque Banania. Enjeu du litige: la vente de produits dérivés estampillés du légendaire tirrailleur sénégalais tout sourire et du slogan "Y'a bon Banania". Reminiscence d'un passé colonialiste au parfum de scandale...

Banania et son effigie sont accusées de véhiculer des préjugés racistes depuis leur lointaine oriniges, c'est à dire... 1915. En 1948, le poète et homme politique Léopold Sédar Senghor, premier président élu du Sénégal, promet dans Hosties Noires à l'issu d'un texte poignant (1) de déchirer "les rires banania sur tous les murs de France"...

Ce sera presque chose faite, dans les annéees 1970. La fin de la décolonisation semble psigner la mort de la poudre cacaotée jusqu'alors préférée des Français: ses ventes s'écroulent au profit de ses concurrents, Nesquik et Poulain, désormais maîtres du marché. Pour remonter la pente, on tente alors d'arondir les angles. La référence douteuse au passé colonial de la France se fera, peu à peu, plus discrète. Jusqu'à disparaître presque totalement.

Mais en 2003, la société Nutrimaine rachète la marque et choisit, elle, de renouer avec la "tradition" pour relancer les ventes. Il faudra près d'un an aux militants du Mrap et de l'association DOM pour convaincre, en 2006, la firme de renoncer à ses allégories. Un Protocole d'accord est conclu entre les trois parties, par lequel Nutrimaine s'engage à radier "Y'a bon banania" de son vocabulaire et de son marketing. Accord jugé "violé" par les attaquants en justice...

(1) "Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort,
Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'arme, votre frère de sang?
Je ne laisserai pas la parole aux ministres et pas aux généraux,
Je ne laisserai pas -non!- les louanges de mépris vous enterrer furtivement,
Vous n'êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur,
Mais je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France."


Source : Julie Joly, publié le 22/01/2009 19:01 - mis à jour le 22/01/2009 19:15 - http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-mauvais-gout-du-chocolat_735267.html