Nice : Les religieuses au chocolat

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A l'abbaye de Castagniers, les soeurs comblent les voeux des gourmands avec leurs délices chocolatés. De quoi succomber sans remords à la plus exquise des tentations.
26/06/2008 N°1867 Le Point

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Sur les hauteurs de Castagniers, dans l'arrière-pays niçois, l'abbaye Notre-Dame-de-la-Paix abrite un temple de douceurs. En ce lieu sacré, le péché est permis. Celui de gourmandise, s'entend. Car voilà près de soixante ans que les soeurs de cette communauté cistercienne s'adonnent à la plus délectable des activités : la fabrication de chocolat. « Il nous fallait un travail pour vivre, qui s'accorde avec notre vie monastique , explique mère Christiane, arrivée aux tout débuts de cette aventure du goût. Nous avons donc fait appel à un chocolatier de Belley pour venir nous enseigner le métier. » Dès 1950, l'affaire est lancée. « Rien d'industriel , précise la mère, mais une production artisanale où l'on travaille le pur beurre de cacao. »

Chocolatières du bon Dieu.

Au coeur d'un vaste bâtiment ocre noyé dans la verdure se niche l'atelier de chocolaterie. Cette large pièce aux effluves corsés hume bon un savoir-faire et des techniques d'antan. Comme le souligne la présence de ces tables de marbre, sur lesquelles on battait autrefois le chocolat fondu pour le refroidir. « Avant, on faisait tout à la main, explique soeur Aline-Marie, apprentie chocolatière et, à 41ans, benjamine de l'abbaye. Aujourd'hui, les machines nous aident. » Dans la salle, un petit bout de femme coiffée d'une charlotte et vêtue d'un tablier garde un oeil vigilant sur l'onctueuse mixture brune en train de fondre. Fidèle au poste qu'on lui a assigné il y a plus de quarante ans, soeur Emmanuelle, « chocolatière du bon Dieu », surnom qu'elle s'est elle-même donné, a appréhendé au fil des ans tous les secrets du chocolat. Un art, selon elle, qui se veut délicat et minutieux, le fruit d'un travail long et rigoureux où l'on apprend, étape par étape, à apprivoiser la matière vivante et qui relève d'une délicate alchimie. « C'est un métier qui s'acquiert avec le temps », souligne soeur Aline-Marie, qui termine toujours sa séance de travail peinturée de taches chocolatées, sous le regard gentiment moqueur de ses aînées aux tabliers immaculés.

Chaque année, plus de 2,5tonnes sortent de l'atelier monastique. L'aliment divin se décline sous différentes formes. A côté des rochers aux amandes et noisettes entières, spécialité de la maison, on trouve des tablettes et barres de chocolat, des ballotins, des orangettes, des nougats et calissons enrobés, et, selon les époques, des figurines d'animaux-chien, cheval, poule, coq-, des sapins, des crèches, des sabots... Les religieuses laissent libre cours à leur créativité, sculptant le chocolat comme de la pâte à modeler. « On y passe du temps , confie soeur Aline-Marie. C'est ce qui nous plaît, même si ça n'est pas très rentable. » Du blanc, du noir, du lait, des panachés aux multiples couches colorées, autant de matières lisses ou inégales que l'on dévore des yeux avant qu'elles ne fondent dans la bouche. Et qui constituent, d'après mère Christiane, « un véritable remède, notamment contre le stress ».

Toutefois, la soeur, âgée de 81ans, l'avoue sans détour : avec les ans, la production a baissé. « Dans les années 60-70, notre activité était très prospère , se souvient-elle. Aujourd'hui, avec le coût de la vie, on a moins de clients. » C'est désormais durant les périodes de fêtes que la petite communauté remplit ses caisses. A Noël, bien sûr, et à Pâques, surtout. Dans ces moments-là, l'abbaye se transforme en une ruche en pleine effervescence, où chacune des habitantes-une quinzaine actuellement-entreprend un travail à la chaîne, certaines préparant, démoulant, garnissant, d'autres emballant, enrubannant et expédiant les marchandises. Les produits sont ensuite vendus par correspondance à des particuliers, dans des magasins monastiques, sur des marchés ou directement sur place. Même si, regrette soeur Aline-Marie, « les gens n'osent pas toujours descendre dans notre petite boutique, car elle se trouve dans une abbaye ». Les soeurs reconnaissent volontiers leur gourmandise. Et la benjamine de noter : « Quand on a le nez dans le chocolat toute la journée, on a envie de manger aussi du salé. » Pour éviter une bonne crise de foie...

Laurence Guidicelli

Abbaye Notre-Dame-de-la-Paix. 271, route de Saint-Blaise, à Castagniers - 04 93 08 05 12.

abbayedecastagniers@wanadoo.fr

Source : http://www.lepoint.fr/actualites-region/les-religieuses-au-chocolat/1556/0/256126