Choléstérophobie et chocolat

Par Henri CHAVERON, Professeur honoraire des Universités, Expert Judiciaire près la Cour d'Appel de Paris (siège numéro 15 de l'Académie).

Article paru dans Le Monde, 27 décembre 1989.


L'abaissement du taux de cholestérol dans le sang tient une large place dans la stratégie de prévention de l'infarctus du myocarde. Un des volets de cette stratégie consiste à limiter le cholestérol exogène, celui qui est apporté par les aliments. Ce qui nécessite l'établissement et la diffusion de listes négatives d'aliments riches en cholestérol.

Le chocolat se trouve par erreur et régulièrement dans ces listes (Info Santé n° 113 mars 1988, et 50 millions de consommateurs, n°2, 19 juillet 1989) avec des teneurs en cholestérol de 70 mg pour 100 g qui le font voisiner, sur ce plan, avec la graisse de boeuf.

Or, le chocolat ne contient pratiquement pas de cholestérol. Ce qui n'a rien de surprenant : la matière grasse qu'il renferme, le beurre de cacao, est d'origine végétale. Une étude toute récente effectuée à l'université de Compiègne sur un échantillonnage de chocolats, représentatif de ce qui est commercialisé en France, a confirmé que la moyenne des teneurs en cholestérol est de 1 mg pour 100 g de chocolat (le chocolat au lait contient, lui, en moyenne 10 mg de cholestérol pour 100 g, provenant pour l'essentiel de la matière grasse du lait). Ce chiffre est très éloigné de la valeur indiquée ci-dessus et est à rapprocher de ce que l'on trouve dans les matières grasses végétales.

Le chocolat a donc un rôle dérisoire dans l'apport exogène de cholestérol (100 g de chocolat fournit le 1/250è de l'apport journalier moyen de cholestérol d'un occidental). De plus, les phytostérols contenus dans le chocolat gênent l'absorption du cholestérol apporté par les autres aliments.

Deuxième grief fait au chocolat, celui qui concerne le rôle hypercholestérolémiant des acides gras saturés (le beurre de cacao est constitué pour près des 2/3 d'acides gras saturés : stéarique : 34% et palmitique : 28%).

L'acide oléique représente 35% et l'acide linoléique, acide gras polyinsaturé essentiel, 3%.

Dans cette hypothèse, les acides gras saturés élèveraient le taux de cholestérol dans le sang, l'acide oléique monoinsaturé (huile d'olive) serait indifférent sur ce plan. Quant aux acides polyinsaturés (huile de tournesol, de maïs et de soja), ils auraient une action hypocholestérolémiante.

En fait, l'acide stéarique se distingue nettement des autres acides saturés sur le plan de son action sur la cholestérolémie.

Déjà, Keys en 1965 attribuait un rôle neutre à cet acide.

Il a été montré que l'acide stéarique se désaturait rapidement dans l'organisme pour donner l'acide oléique. Dans ces conditions, le beurre de cacao engendrerait une quantité importante d'acide oléique, 69% (celui de constitution et celui formé par désaturation de l'acide stéarique). L'effet neutre du beurre de cacao sur la cholestérolémie, mise en évidence au cours d'expérimentations déjà anciennes, trouverait là son explication. Le comportement du beurre (de cacao) s'apparenterait alors à celui des matières grasses riches en acide oléique.

Le troisième niveau de connaissance sur la cholestérolémie prend appui sur les travaux de Brown et Goldstein, Prix Nobel de médecine 1985. Des très importants résultats obtenus par ces auteurs sur le métabolisme du cholestérol ne sont descendus dans la rue, via les cabinets médicaux et les médias, que deux notions maintenant très répandues : le "bon" (HDL) et le "mauvais" (LDL) cholestérol. Pour prévoir les risques athéromateux, il est nécessaire maintenant de faire la distinction entre les HDL et les LDL. POur diminuer ces risques, il ne suffit plus de faire baisser la cholestérolémie globale, il faut diminuer simultanémant les LDL et augmenter les HDL.

Des expérimentations, menées en considérant ces deux paramètres, ont montré en particulier quel 'acide oléique diminue les LDL sans diminuer les HDL antiathérogènes.

De plus, les essais in vitro ont montré que les HDL voyaient leur aptitude à "capter" le cholestérol améliorée lorsqu'ils provenaient de sujets ayant subi un régime riche en acide oléique. Le "bon" cholestérol devenait "meilleur" ! Pour ces raisons, les matières grasses riches en acide oléique commencent à occuper une position privilégiée dans la vasculo-protection.

Il n'est pas alors déraisonnable, dans ce contexte, de formuler l'hypothèse que le beurre de cacao, assimilé après désaturation de l'acide stéarique (près de 70% d'acide oléique), aux matières grasses riches en acide oléique, se comporte vis à vis des HDL, comme celles-ci.

Enfin, il ne faut pas occulter dans la consommation du chocolat les effets "relaxation" et "antistress" de ses composantes psychosensorielle et hédonique, effets, comme le subodorent certains, favorables aux HDL.


Henri CHAVERON, Professeur des universités, département de génie biologique et médical, université de Compiègne.


Alors... Pourquoi se priver de chocolat ?

C'est par erreur que cet aliment figure dans la liste des produits riches en cholestérol : il n'en contient pratiquement pas ; de plus, certains de ses composés empêchent l'absorption du choloestérol apporté par d'autres aliments.

Des expérimentations relativement anciennes ont, par ailleurs, nié les prétendus méfaits de ces acides gras sur la cholestérolémie...

L'acide oléique qu'il renferme a pour effet de réduire le "mauvais" cholestérol sans s'attaquer au "bon"... qu'il rendrait encore meilleur !

C'est du moins ce que met en évidence une étude très récente réalisée à l'université de Compiègne.

Loin d'être nuisible à la santé, le chocolat peut donc être considéré comme un aliment de choix puisqu'au-delà de ses propriétés sur le cholestérol, il présente des effets bien connus de "relaxation" et "d'antistress".

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