Pierre SARTINI à l'Élysée à l'occasion d'une rencontre avec Nicolas SARKOSY
Pierre
Sartini occupait le siège n° 03 à l’Académie Française du Chocolat et de la Confiserie. Il est décédé à
la fin de 2014. Guy
Urbain retrace l’histoire de ce grand serviteur des intérêts économiques des
confiseurs et des chocolatiers français.
Pierre
Sartini était, de son état, conseiller fiscal, très compétent, très attentif
à toutes les modifications de la fiscalité française et notamment celles
concernant les produits de la confiserie et la chocolaterie.
La
complexité de la TVA concernant ces produits avait mobilisé son attention et
son désir d’intervenir pour plus de simplicité et plus de justice. En l’an
2000, alors que j’étais Président de la Confédération des Chocolatiers et
Confiseurs de France, il est venu me voir pour me proposer de travailler à
rétablir l’équité fiscale concernant les bonbons et les chocolats.
J’ai
été séduit par sa compétence, mais aussi son aménité, son ouverture d’esprit et
son offre de s’attacher au problème bénévolement, quitte à recevoir plus tard
un dédommagement si des résultats étaient obtenus.
Ce
fut le début d’une coopération exemplaire. Nous avons fait équipe, lui et moi,
pour réussir et entreprendre l’action auprès des pouvoirs publiques. L’objectif
était d’aligner nos produits sur le même
régime de TVA que l’ensemble des produits alimentaires assujettis au taux
réduit. À l’époque, ce taux était de 5,5%, tandis que presque toutes les
confiseries et les chocolats étaient soumis au taux fort de 19,6%.
Nos
démarches se concentrèrent sur le Ministère de l’Économie et des Finances et le
Ministère du Budget, tous deux à Bercy. Là, était le centre de décision. Nous
avons demandé audience sur audiences pour justifier notre requête. Nous
fournissions des arguments comme les
exemples des taux de TVA appliqués à nos produits dans tous les Etats de la
Communauté Européenne. La France était la seule nation appliquant des taux
différents avec des conditions de sélection compliquée. Par exemple, le même
produit (un chocolat) subissait un taux différent selon sa forme "ronde" ou "carrée" !
Lors
des rencontres avec les fonctionnaires de Bercy, Pierre Sartini apportait des
échantillons de produits et demandait à nos interlocuteurs de bien vouloir
préciser le taux de TVA de chacun. C’était la confusion et le constat de
l’aberration du système. J’avais élaboré un grand tableau où, d’un côté
figuraient la langouste, le foie gras et les truffes au taux réduit de 5,5% et
de l’autre des sucettes, des bouchées de chocolat, des spécialités comme les
calissons soumis au taux fort de 19,6 %. Pierre Sartini prouvait par l’absurde
la justesse de notre revendication de
justice. Mais la
réponse traditionnelle des représentants du Ministère de l’Économie était : «
Combien l’alignement des taux coûterait au
trésor public ? » L’égalité devant l’impôt n’était pas leur
problème...
À
la fin, nous nous sommes fâchés devant l’inertie administrative et Pierre
Sartini a exigé que nous soyons reçus par le Ministre du Budget. Notre
obstination a payé et nous avons rencontré Monsieur Bussereau, Ministre en
exercice à ce poste le 25 octobre 2004. Nous avons présenté la complexité des
chocolats noirs. Un napolitain était au taux réduit parce qu’il se présentait
comme une tablette tandis que le même article en taille et en poids était au
taux fort parce qu’il était rond, et bien d’autres exemples du même genre. Le
Ministre jugea tout de suite que cela ne pouvait durer et décida que tous les
produits de chocolat noir, quelque soient leurs formes, seraient dorénavant
assujettis au taux réduit de TVA.
Pierre
Sartini et moi étions récompensés de nos efforts. C’était une première victoire
de l’opiniâtreté obtenue grâce à l’action de la Confédération des Chocolatiers
et Confiseurs de France.
Cette
communion entre Pierre Sartini et moi pour l’alignement de la TVA au taux réduit s’est poursuivie
pour les autres produits de la confiserie et la chocolaterie. Les Ministres
avaient changé. Nous avons rencontré les attachés personnels de hautes
personnalités, à l’Elysée, au Ministère de l’Economie (Madame Lagarde), au
Ministère de l’Agriculture, au Ministère de la Culture et, bien sûr, le Nouveau
Ministre du Budget d'alors qui était Jean François Copé.
Pierre
Sartini a été nommé comme représentant de la Confédération des Chocolatiers et
Confiseurs de France à la Confédération
Générale des PME. Ensemble, nous avons été à Bruxelles, rencontrer à la
Commission Européenne les représentants des PME, pour un alignement des taux de
nos produits au niveau européen.
Nous
étions devenus bien connus à Bercy...
Nous
prêchions notamment pour le savoir faire des artisans bridés dans leur
développement, victimes du taux fort de TVA. La
nouvelle cible de revendication, de notre part, concernait le point 10
de la nomenclature du chocolat, relatif aux bonbons de chocolat. Nous
avons visé juste.
Lors
de la présentation du Budget de 2006, le 21 octobre 2005, le Ministre du
Budget, Jean-François Copé, a présenté un amendement concernant justement le
point 10 de la nomenclature du chocolat, pour permettre l’application du taux
réduit de TVA à cette catégorie de produits. Le vote a été acquit à l’unanimité
des députés. Ce fut un ballon d’oxygène considérable pour les professionnels de
la chocolaterie, et une
seconde victoire.
Pierre
Sartini a joué un premier rôle dans
cette bataille fiscale. Cette complicité dans l’effort a généré des liens
d’amitié entre nous. Nous avons agi ensemble, additionnant nos déterminations
et nos convictions pour la justesse de notre cause.
Connaissant
la haute valeur morale et les connaissances fiscales de Pierre Sartini,
j’ai proposé son élection à l’Académie Française
du Chocolat et e la Confiserie. Il a été élu.
Pierre
Sartini a été un grand serviteur de nos
professions. Tous les consommateurs, les confiseurs et les chocolatiers de France ont profité de son travail.
On
lui doit un grand Merci, même après sa disparition. C’est
un devoir de mémoire.
Guy URBAIN - siège n° 09