À la mémoire de Pierre SARTINI


ELYSEE NICOLAS SARKOZY 8 DECEMBRE 2008 085

Pierre SARTINI à l'Élysée à l'occasion d'une rencontre avec Nicolas SARKOSY


Pierre Sartini occupait le siège n° 03 à l’Académie Française du Chocolat et de la Confiserie. Il est décédé à la fin de 2014. Guy Urbain retrace l’histoire de ce grand serviteur des intérêts économiques des confiseurs et des chocolatiers français.

Pierre Sartini était, de son état, conseiller fiscal, très compétent, très attentif à toutes les modifications de la fiscalité française et notamment celles concernant les produits de la confiserie et la chocolaterie.

La complexité de la TVA concernant ces produits avait mobilisé son attention et son désir d’intervenir pour plus de simplicité et plus de justice. En l’an 2000, alors que j’étais Président de la Confédération des Chocolatiers et Confiseurs de France, il est venu me voir pour me proposer de travailler à rétablir l’équité fiscale concernant les bonbons et les chocolats.

J’ai été séduit par sa compétence, mais aussi son aménité, son ouverture d’esprit et son offre de s’attacher au problème bénévolement, quitte à recevoir plus tard un dédommagement si des résultats étaient obtenus.

Ce fut le début d’une coopération exemplaire. Nous avons fait équipe, lui et moi, pour réussir et entreprendre l’action auprès des pouvoirs publiques. L’objectif était d’aligner nos produits sur le même régime de TVA que l’ensemble des produits alimentaires assujettis au taux réduit. À l’époque, ce taux était de 5,5%, tandis que presque toutes les confiseries et les chocolats étaient soumis au taux fort de 19,6%.

Nos démarches se concentrèrent sur le Ministère de l’Économie et des Finances et le Ministère du Budget, tous deux à Bercy. Là, était le centre de décision. Nous avons demandé audience sur audiences pour justifier notre requête. Nous fournissions des arguments comme les exemples des taux de TVA appliqués à nos produits dans tous les Etats de la Communauté Européenne. La France était la seule nation appliquant des taux différents avec des conditions de sélection compliquée. Par exemple, le même produit (un chocolat) subissait un taux différent selon sa forme "ronde" ou "carrée" !

Lors des rencontres avec les fonctionnaires de Bercy, Pierre Sartini apportait des échantillons de produits et demandait à nos interlocuteurs de bien vouloir préciser le taux de TVA de chacun. C’était la confusion et le constat de l’aberration du système. J’avais élaboré un grand tableau où, d’un côté figuraient la langouste, le foie gras et les truffes au taux réduit de 5,5% et de l’autre des sucettes, des bouchées de chocolat, des spécialités comme les calissons soumis au taux fort de 19,6 %. Pierre Sartini prouvait par l’absurde la  justesse de notre revendication de justice. Mais la réponse traditionnelle des représentants du Ministère de l’Économie était : « Combien l’alignement des taux coûterait au  trésor public ? » L’égalité devant l’impôt n’était pas leur problème...

À la fin, nous nous sommes fâchés devant l’inertie administrative et Pierre Sartini a exigé que nous soyons reçus par le Ministre du Budget. Notre obstination a payé et nous avons rencontré Monsieur Bussereau, Ministre en exercice à ce poste le 25 octobre 2004. Nous avons présenté la complexité des chocolats noirs. Un napolitain était au taux réduit parce qu’il se présentait comme une tablette tandis que le même article en taille et en poids était au taux fort parce qu’il était rond, et bien d’autres exemples du même genre. Le Ministre jugea tout de suite que cela ne pouvait durer et décida que tous les produits de chocolat noir, quelque soient leurs formes, seraient dorénavant assujettis au taux réduit de TVA.

Pierre Sartini et moi étions récompensés de nos efforts. C’était une première victoire de l’opiniâtreté obtenue grâce à l’action de la Confédération des Chocolatiers et Confiseurs de France.

Cette communion entre Pierre Sartini et moi pour l’alignement  de la TVA au taux réduit s’est poursuivie pour les autres produits de la confiserie et la chocolaterie. Les Ministres avaient changé. Nous avons rencontré les attachés personnels de hautes personnalités, à l’Elysée, au Ministère de l’Economie (Madame Lagarde), au Ministère de l’Agriculture, au Ministère de la Culture et, bien sûr, le Nouveau Ministre du Budget d'alors qui était Jean François Copé.

Pierre Sartini a été nommé comme représentant de la Confédération des Chocolatiers et Confiseurs de France à la Confédération Générale des PME. Ensemble, nous avons été à Bruxelles, rencontrer à la Commission Européenne les représentants des PME, pour un alignement des taux de nos produits au niveau européen.

Nous étions devenus bien connus à Bercy...

Nous prêchions notamment pour le savoir faire des artisans bridés dans leur développement, victimes du taux fort de TVA. La  nouvelle cible de revendication, de notre part, concernait le point 10 de la nomenclature du chocolat, relatif aux bonbons de chocolat. Nous avons visé juste.

Lors de la présentation du Budget de 2006, le 21 octobre 2005, le Ministre du Budget, Jean-François Copé, a présenté un amendement concernant justement le point 10 de la nomenclature du chocolat, pour permettre l’application du taux réduit de TVA à cette catégorie de produits. Le vote a été acquit à l’unanimité des députés. Ce fut un ballon d’oxygène considérable pour les professionnels de la chocolaterie, et une seconde victoire.

Pierre Sartini a joué un premier rôle dans cette bataille fiscale. Cette complicité dans l’effort a généré des liens d’amitié entre nous. Nous avons agi ensemble, additionnant nos déterminations et nos convictions pour la justesse de notre cause.

Connaissant la haute valeur morale et les connaissances fiscales de Pierre Sartini, j’ai proposé son élection à l’Académie Française du Chocolat et e la Confiserie. Il a été élu.

Pierre Sartini a été un grand serviteur de nos  professions. Tous les consommateurs, les confiseurs et les chocolatiers de France ont profité de son travail.

On lui doit un grand Merci, même après sa disparition. C’est un devoir de mémoire.

Guy URBAIN - siège n° 09


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